Août 2022, après avoir encore une fois repoussé notre voyage au Maroc, nous partons pour 15 jours en mode raid avec des copains sur la trace des ours des Carpates. On ouvre le roadbook : une centaine de pages avec des cases à décrypter, suivre et transmettre au pilote. Avec ça et les check point à valider, cela ne va pas être de tout repos ! On est très excités d’avoir ce beau classeur entre les mains et avons hâte de nous essayer à l’exercice.
Jour 1 : Pluies torrentielles annoncées
Après une longue traversée de la France, l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie, nous arrivons en début d’après-midi en Roumanie. Il y a beaucoup de poids lourds sur la route mais elle se fait rapidement. Nous avons un peu d’attente à la frontière mais nous passons sans encombre. Une fois la douane passée, il faut acheter la vignette pour le mois à 7€. Nous changeons nos euros en leu auprès d’un guichetier qui n’a pas l’air très officiel…
Nous commençons le roadbook. Nous passons par les villes de Lugoj et Resita. Nos téléphones se mettent alors à sonner à l’unisson et nous recevons une alerte en anglais par sms. Vu le contexte, nous avons d’abord une pensée inquiétante pour l’Ukraine et sa proximité immédiate mais en lisant le message, nous découvrons une alerte météo plutôt inquiétante sur des pluies torrentielles. Le SMS conseille de se mettre à l’abri et de stopper tout déplacement. Cela fait à peine 3h que nous sommes en Roumanie et nous dormons en tente : le ton est donné ! Le temps s’assombrit, pour autant nous continuons la trace et montons sur les hauteurs. Nous trouvons un endroit plat pour la nuit mais la pluie tombe sans cesse et l’orage gronde au loin. Après de longues minutes à rester enfermés dans les voitures, nous décidons de tendre une grande bâche bleue entre nos véhicules et passons une soirée humide mais conviviale à l’abri.
Jour 2: Parc national du Domogled-Valea Cernei
La piste nous guide dans la forêt où nous croisons rapaces, écureuils et…troncs d’arbres sur le chemin. Nous sortons la hache et continuons notre route. Quelques kilomètres plus loin nous tombons sur un troupeau de brebis et son berger, l’occasion de s’arrêter et de prendre un café. La Roumanie est connue pour avoir énormément de chiens errants, notamment sur les bords de route. La plupart ne sont pas agressifs car les habitants en prennent soin et ont pour habitude de les nourrir.
Nous pique-niquons près d’une ancienne scierie avec des roues à aube. La traversée du village de Lapusnicu, tout en longueur vaut le détour. Nous croisons nos premiers tombereaux, ces drôles de charrettes en bois tirées par des chevaux. Il y en a énormément dans les campagnes roumaines.
Un léger sourire en passant au-dessus de la rivière Calva et nous voilà arrivés dans la ville de Mehadia. Un paysage avec une roche noire nous interpelle et nous fait penser à une extraction minière mais il semble que cela soit naturel.
Quelques kilomètres plus loin, nous traversons Baile Herculane, ancienne station thermale réputée. La station est intéressante avec son architecture typique, ses thermes romains en ruine, son odeur de soufre et son grand hôtel sous lequel nous passons littéralement en voiture !
Une fois la ville derrière nous, nous continuons de rouler le long des gorges de la Cerna. Il pleut mais c’est magnifique. Nous entrons dans le parc national du Domogled-Valea Cernei. La piste que nous empruntons pour monter au barrage du lac artificiel de Cerna est plutôt en mauvais état, pleine de potoles. Arrivés en haut, il pleut encore mais pour la descente, on s’amuse à rouler dans les énormes trous sur la piste formant de nombreuses piscines dans lesquelles nous plongeons gaiement. La trace fait une vingtaine de kilomètres et fait le tour du lac.
Nous cherchons un bivouac pour la nuit. Avec la pluie et l’humidité ambiante, on s’éloigne des spots en bord de rivière (qui déborde!) pour aller en altitude. Nous dormons en haut d’un col, à 1374m. Nous sortons la bâche pour nous abriter de la pluie et allons nous coucher pour une nuit fraîche à 10°c.
Jour 3 : La route Transalpina sous la brume
Après un approvisionnement courses et gasoil, nous attaquons la montée du col sur la route Transalpina. À mi-parcours, nous nous arrêtons pour acheter de la confiture et du miel pour quelques lei auprès de producteurs locaux. Intrigués, nous goûtons la brioche hongroise à la fleur d’oranger : la Kurtoskalacs. Tiède et sucrée, c’est très bon mais à l’inconvénient d’attirer les guêpes. Nous poursuivons l’itinéraire, il y a énormément de brouillard, on devine à peine la voiture devant nous !
Fatigués de cette conduite et lassés de ne pas voir le magnifique panorama, nous nous accordons une pause dans le restaurant Hanul Lupilor Transalpina. Nous commandons du poulet traditionnel, de la bière locale, des crêpes en dessert et deux cafés. Nous pouvons maintenant attaquer le col Urdele à 2141m. La vue n’est toujours pas dégagée… Nous redescendons en prenant soin de nous arrêter une fois de plus sur le bord de la route pour acheter cette fois-ci de l’alcool local : la palinka, une eau de vie à la prune ou à la poire que nous payons environ 4€ les 20cl. Attention c’est costaud.
Le soleil commence à arriver lorsque nous atteignons le village d’Horezu connu pour ses innombrables boutiques de poterie. En repartant, nous ratons un embranchement sur le roadbook et perdons le reste du groupe. Loin derrière, nous décidons de prendre le temps pour visiter les alentours à notre rythme. Nous nous arrêtons au monastère Dintr-un Lemn avec sa drôle d’église en béton en construction et son église traditionnelle. Nous faisons un tour dans les jardins mais n’entrons pas dans les bâtiments qui sont payants.
Plus loin, nous longeons des champs pétrolifères avec des puits de forage de part et d’autre de la route. Nous continuons de suivre le roadbook tout seul, nous avons perdu le contact radio mais une trentaine de kilomètres plus tard, nous retrouvons le groupe. L’heure est à la recherche du bivouac. La piste empruntée est boueuse et cassante, pas de bivouac en vue. Nous nous posons finalement dans un champ en bordure de route pas très loin de Rudeni.
Jour 4 : La Transfagarasan et Sambata
Le réveil sous la pluie est difficile, tout est trempé. Nous nous dirigeons vers l’une des plus belles routes d’Europe : la Transfagarasan. Nous passons sur une route qui longe le lac artificiel de Vidraru. Il pleut beaucoup, nous nous arrêtons prendre un café dans un hôtel sur le bord de la route en espérant laisser passer les nuages. Il faut se rendre à l’évidence, la météo est contre nous ! Nous continuons de monter en altitude. Nous passons devant de belles cascades, sous des tunnels, toujours entourés d’une épaisse couche de brume. À 2020m d’altitude, nous voyons les Monts Fagaras, les plus hauts sommets des Carpates donc de la Roumanie. Il fait seulement 7°c. Nous nous arrêtons plusieurs fois sur la route pour admirer le panorama de la petite route en lacet entourée de paysages montagnards.
En direction du Monastère de Sambata, nous tombons sur un pont en construction. Il n’y a plus de route pour traverser. Impatients d’arriver, nous décidons de passer en mode offroad et de rouler à travers les champs pour franchir la rivière. Nous passons devant un troupeau de moutons sous les yeux étonnés du berger. Nous tournons un petit moment dans les champs avant de passer la rivière et de trouver la sortie guidés à la radio par les copains devant. Nous gardons un super souvenir de ce hors-piste improvisé.
Arrivés devant le monastère, nous déjeunons brièvement en mode pique-nique. Le monastère de Sambata se dit aussi – de Brancoveanu. Il date du 17ème siècle. Le calme et la sérénité règnent dès la porte de la cour franchie. À l’intérieur, plusieurs choses à découvrir : l’église richement décorée, les fresques apocalyptiques, un puits pour se servir de l’eau bénite et une colonnade de pierre. Plongé dans la brume, le monastère a des allures mystérieuses. À l’extérieur se trouve une salle de prière avec des cierges disposés sous 2 voûtes placées de part et d’autre de l’édifice. L’une pour les morts et l’autre pour les vivants. C’est quelque chose que nous verrons dans chaque église orthodoxe visitée.
Nous partons ensuite en direction de la ville de Bran et son célèbre château de Dracula.
Nous logeons dans une taverne : La Trattoria al Gallo. Les chambres sont spacieuses avec balcon et grande salle de bain. Il y a également un restaurant au rez-de-chaussée et un parking pour garer nos gros véhicules. Il est déjà tard mais notre envie de découvrir la ville est trop forte, nous partons faire un tour dans Bran. Mais nous sommes vite déçus. À part un marché très touristique au pied du château, il n’y a rien à voir. Nous retrouvons les copains et poussons la porte d’un bar pour tester les bières locales. Alix se laisse tenter par une Dracula Beer (en référence au château du célèbre vampire) qui se trouve n’être qu’une bière aromatisée avec du sirop. Nous passons une soirée sympa à regarder les clips démodés des années 80 sur les écrans TV du bar. Nous retournons au restaurant pour partager un diner tous ensemble.
Jour 5 : Bran et Brasov
Après un petit déj’ omelette et charcuterie, nous partons visiter le château de Bran sous la pluie. L’entrée est à 110 lei pour 2 avec l’exposition temporaire. Nous avons choisi celle sur la torture médiévale (quelle idée !). Il pleut toujours et il y a beaucoup de monde dans le château. Une trentaine de pièces sont à visiter entourant une belle cour intérieure que l’on peut observer depuis des loggias. En réalité, le château de Bran n’a jamais hébergé le personnage qui a inspiré Dracula : Vlad L’empaleur. Il n’a jamais reçu non plus la visite de l’auteur du plus célèbre vampire du monde, Bram Stoker. L’architecture de la bâtisse représentant bien les châteaux de Transylvanie, le château de Bran s’est “autoproclamé” château de Dracula récemment et en a fait une attraction touristique. Quelques pièces tournent autour de la légende avec des extraits de films ou des animations numériques. L’exposition sur la torture expose des machines utilisées dans des cas concrets, elle nous retourne l’estomac et nous quittons le château un peu déconcerté par cette visite hyper touristique.
Prochaine étape : Brasov et sa célèbre église noire. Les tickets sont à acheter dans la boutique de souvenirs sur le parvis de l’église (entrée à 35 lei/pers.). L’incendie qui détruisit la ville en 1689 épargna l’église dont les murs furent néanmoins noircis par les flammes. La particularité de l’église, ce sont ces tapis anatoliens du XVIème et XVIIème siècle exposés dans la nef. Un petit coup d’œil à l’impressionnante orgue et ses 4000 tuyaux et nous repartons vers le centre de la ville.
La place principale est bordée de restaurants et boutiques et deux artères piétonnes descendent vers le parc central. C’est dans l’une de ses rues que nous tombons sur une super adresse de restaurant : le resto Albert Social Bistro. Après avoir traversé un couloir voûté et une petite cour intérieure, nous descendons dans les caves du restaurant. De la décoration aux cocktails en passant par les plats, tout est très bien dans ce restaurant.
Nous reprenons une piste sympa mais corsée à certains endroits avec beaucoup d’ornières et de boue. Nous nous posons pour la soirée dans un champ au bord de la piste entre les meules de foin en train de sécher. La carte postale typique de Roumanie !
Voir la partie 2 de notre roadtrip : Le raid des Carpates en Roumanie 2