Notre rêve depuis plusieurs années : vivre en immersion avec un musher dans le grand Nord. Il nous semblait inaccessible et puis un soir d’été en Croatie, en 2021, on s’est fait la promesse avec des copains de le faire ensemble. 2 ans plus tard, on est sur le départ de cette grande aventure de 12 jours dans l’immensité du Yukon, près de Whitehorse au Canada.
Jour 1 : Arrivée à l’autre bout du globe
Nous partons de Paris et arrivons après 23h de voyage à l’aéroport de Whitehorse. Déjà, dans le petit vol entre Vancouver et Whitehorse, tout le monde se connaît, les passagers assis à côté de nous nous font la discussion. À peine arrivés, nous partons directement pour le chalet ! Pas de douche ce soir. Il va falloir s’habituer à la cabine sans eau, sans électricité et aux toilettes sèches.
Sur la route déjà nos yeux s’écarquillent face à ce paysage glacé. Nous montons sur les hauteurs, en direction de Fish Lake. Nous rencontrons enfin Pierre, le musher (comprendre éleveur et entraineur de chien de traîneau) et notre guide pour les 2 semaines à venir et Adriana, sa handler allemande qui est là pour l’aider. Nous ne sommes pas encore entrés dans le chalet que Pierre nous emmène voir 3 orignaux mâles qu’il vient d’apercevoir en bas de la vallée. Ils sont loin mais nous les voyons bien. Quelle chance dès nos premières heures au Yukon.
Pierre nous fait visiter la cabine. Il y a une seule et grande pièce chauffée par un énorme pôele à bois. La chambre est en mezzanine et les 2 lits sont séparés par un rideau permettant un minimum d’intimité avec nos 2 copains d’aventure. Pierre et Adriana dorment dans d’autres chalets à côté. Nous nous sentons bien, l’endroit est chaud et cosy. La nuit tombe. Quelle drôle de sensation la première fois de sortir par -15°c pour rejoindre les toilettes sèches à l’extérieur, fermées par un rideau en tissu qui s’envole avec le vent. La pleine lune nous éclaire jusque là-bas, et on se sent déjà seul au monde.
Nous prenons un apéro dinatoire tous ensemble avant de tomber de fatigue après ces derniers jours de voyage épuisant. Nous dormons comme des loirs dans le confort et la chaleur de la cabine (il faut quand même se lever dans la nuit pour recharger le poêle!)
Jour 2 : Initiation au chien de traîneau
Nous commençons notre routine qui sera la même pendant presque 2 semaines. Vers 8h, Pierre allume le groupe électrogène pour que nous puissions avoir de la lumière. Il faut d’abord préparer la nourriture des chiens : de gros morceaux de viande congelée avec de l’eau et des croquettes. Tous les matins, ce sont les garçons qui s’y collent. Ce n’est pas très ragoûtant au saut du lit mais c’est important pour les p’tits chiens. Ensuite, deux équipes se forment : une pour préparer le petit déjeuner, une pour aller nourrir les chiens.
Il fait encore nuit quand nous traînons derrière nous une grande luge avec 3 gros seaux de nourriture pour chien. Il faut procéder avec minutie. Dans l’ordre et n’oublier personne. 3 grosses louches par chien, bien équilibrée entre viande, jus et croquettes.
Les 38 chiens sont pour la plupart attachés avec une chaîne qui délimite leur espace et ont une niche (avec leur prénom dessus) à disposition. Certains sont dans des enclos, notamment les chiens retraités ou malades. Enfin, 3 chiens sont en “loose” c’est -à -dire en liberté : Inou, Jake et Denali.
Les chiens sont excités quand ils nous voient arriver pour le repas. Ils aboient mais tous sont très sages au moment de leur donner la gamelle. Ce sont nos premiers instants avec les chiens et nous voyons déjà qu’ils ont des comportements différents les uns des autres.
Il est temps désormais de prendre soin de nous et de prendre le petit déj’ à notre tour. Nous sommes gâtés ce matin : pancakes au sirop d’érable et fruits compotés. Cela fait du bien de reprendre des forces.
Vient ensuite la 2ème étape de la journée avec les chiens : le scooping. Tâche ingrate mais ô combien importante, celle de ramasser les crottes. Par chance, l’hiver et quand il gèle, les crottes sont glacées donc inodores et faciles à ramasser. Équipés de petites pelles et d’une luge, il faut nettoyer l’espace des 38 chiens tous les matins. Pour la première matinée, ce sont là aussi les garçons qui s’y collent pendant que les filles font la vaisselle dans le chalet.
Il est maintenant l’heure de l’initiation tant attendue !
Pierre nous distribue l’équipement nécessaire pour les prochains jours : une grosse parka pas trop fragile et une grosse paire de bottes pour le froid. Chacun trouve son bonheur, nous pouvons passer aux choses sérieuses.
Pierre nous présente un traîneau, comment le guider et comment se comporter avec les chiens. Beaucoup d’informations que nous prenons avec énormément de sérieux et de concentration. Comment faire si on tombe ? Comment harnacher les chiens ? Comment guider le traîneau ? Comment freiner ?…
Nous avons ensuite connaissance de l’équipage qui nous est attribué. Tahia, Lumi, Taku, Diamond pour Alix et Jako, Wolf, Timber, Kodiak et Aïko pour Gauthier. Il faut commencer par son chien de tête en premier (Tahia et Jako) puis les autres en fonction de leur caractère. Certains mordent rapidement leur harnais ou tirent sur la ligne, il faut alors les mettre en dernier pour éviter les problèmes. À partir du moment où on commence à atteler, on a 15min max pour partir. Les chiens sont fous ! On sent vraiment qu’ils sont fait pour courir et qu’ils adorent ça. Alix est en tête car c’est la plus petite et la plus légère donc potentiellement celle qui peut avoir le plus de difficulté à maîtriser son traîneau. Le poids est important pour éviter de littéralement s’envoler avec la vitesse des chiens. Nous sommes tous lestés avec un sac de croquettes de 25kg dans le traîneau.
Les harnais des chiens ont 2 anneaux, un au niveau de leur cou et un au-dessus de la queue. Il faut attacher les deux à la ligne. Au départ et à l’arrivée, les traîneaux sont bloqués par des ancres de tête qui permettent de mobiliser le traineau. Après l’avoir retiré, il faut la mettre dans le traîneau et retirer ensuite sa 2ème ancre que nous avons toujours à portée de main sur le traîneau. Une fois les deux ancres enlevées, on peut commencer à lever le pied pour libérer le frein. Dans les faits, dès que les ancres sont retirées, les chiens partent tels des fusées Il faut avoir les pieds sur les freins dès le départ, cela ne les arrête même pas !
C’est comme cela qu’on commence notre initiation : surexcités comme les chiens et avec un peu d’appréhension de découvrir cette nouvelle sensation.
Nous suivons Pierre sur son motoneige pour une boucle de 7km autour du ranch. Nous avons vite chaud et les premières sensations sont géniales. Le bruit des p’tits chiens qui halètent, la neige qui craque sous le traîneau, les patins qui glissent sur la glace et les paysages… que dire de plus ! On compte une première chute dans le groupe, dans un virage, mais rien de méchant, c’est comme cela qu’on apprend.
De retour au camp, il faut bien sûr commencer par mettre ses ancres puis féliciter ses chiens. Il faut rentrer son chien de tête en dernier, car il est accroché à l’ancre. Les chiens sont plus calmes au retour. Il faut replacer chacun à sa chaîne et lui retirer le harnais.
Nous avons mérité un bon déjeuner réconfortant : soupe et sandwich. Direction ensuite le centre de Whitehorse pour quelques achats et une douche tant attendue !
Nous allons au Airport Chalet où nous pouvons prendre une douche chaude de 20min pour quelques dollars. Pendant ce temps, le reste du groupe attend patiemment son tour en prenant une bière dans le bar du motel. Y’a pire pour décompresser de sa journée !
En rentrant au chalet, nous profitons d’un bon repas au chaud avant d’aller rêver à nos p’tits chiens.
Jour 3 : Jackson Lake
Ce matin, les rôles sont inversés. Après le nourrissage et le petit déjeuner, ce sont les filles qui font le scooping pendant que les hommes font la vaisselle. Ce n’est pas du tout une corvée, on est au grand air, ça réchauffe et au contact des chiens, ce n’est en rien dégradant.
Aujourd’hui, Pierre a un rendez-vous important en ville. Il a donc appelé Margot pour nous servir de guide pour notre première sortie. C’est une expat’ française passionnée par le chien de traîneau. Notre sortie doit nous emmener à Jackson Lake.
Alix monte à 5 chiens avec l’arrivée de Mc Goo au milieu de son attelage. Nous préparons les traîneaux mais le départ est compliqué, les chiens sont excités, les équipages encore un peu stressés. Dès le début, c’est la cata. Les traîneaux se doublent et c’est un peu la pagaille. Nous devons traverser une route verglacée pour prendre le début du trail. Et là c’est la fin… Alix appuie de tout son poids sur les freins qui n’ont aucun effet sur la glace. Le traîneau léger comme une plume glisse à toute vitesse sur la route. Les chiens sentant qu’il n’y a plus aucune préhension accélèrent de peur de percuter le traîneau incontrôlable. Ils foncent à toute vitesse vers le trail pour retrouver la neige qui accrochera plus. Au moment de passer la petite butte, Alix chute. Margot arrive à retenir son traîneau et hop, il faut remonter sur les patins ! Un départ sur les chapeaux de roues.
Nous arrivons vers 13h sur le lac Jackson. Nos premières glisses sur un lac gelé. C’est magnifique. Il y a une grosse épaisseur de neige et les chiens ont des difficultés à courir. Le rythme ralentit et nous nous arrêtons pour manger des saucisses de wapitis au feu de bois avec une bonne soupe. Il ne fait pas froid. Les chiens veulent déjà repartir et se mettent à hurler en communion comme un chant à l’unisson pour nous demander de continuer la randonnée.
Sur le chemin du retour, ce n’est que de la montée. Les chiens ralentissent et ne veulent pas rentrer au ranch. Nous devons les aider souvent pour les motiver à courir. On a chaud à trottiner et à pousser le traîneau. Quand on n’est pas assez efficace, les chiens se retournent comme pour nous dire “hé ho aide nous !”. La fin du trail se termine en apothéose avec une énorme descente pleine de sensation. Nous l’emprunterons plusieurs fois pendant notre séjour pour retourner au ranch. Ce jour-là, nous sommes 3 sur 4 à être tombés.
De retour au chalet, c’est la même habitude : nous replaçons les chiens, nous rangeons les harnais et les traîneaux et il faut nourrir les p’tits chiens qui méritent une bonne gamelle.
À notre tour de nous détendre autour d’une bière dans la chaleur du chalet. Fatigués de nos émotions, nous partons nous coucher.
Jour 4: Cascade en motoneige
Après le rituel du matin : nourrissage des chiens, petit-déjeuner, vaisselle et scooping ; nous préparons des sandwichs pour le pique-nique de ce midi. Aujourd’hui nous prenons les motoneiges ! Nous enfilons les gants, les cagoules, les casques et nous nous installons derrière le guidon. Nous sommes 2 par motoneige, Gauthier conduit, Alix est derrière. Nous faisons un premier arrêt pour voir les chevaux de Pierre qui sont dans un champ un peu plus bas. Pierre en profite pour vérifier un pont de neige inquiétant car il commence à fondre et nous devons l’emprunter dans les prochains jours en traîneau.
Nous traversons les 17 km de longueur de Fishlake. À certains endroits, l’absence de neige dévoile la beauté de la glace. La surface du lac est gelée sur presque 1m de profondeur. Nous admirons les fissures qui forment comme des toiles d’araignées sous la glace. C’est magnifique et impressionnant à la fois. Marcher sur un lac gelé, c’est inédit pour nous. Nous entendons de temps à autre un craquement sourd sous nos pas mais nous avons 100% confiance.
Nous prenons un minuscule trail qui monte sur les hauteurs du lac. Très vite, nous arrivons face au chalet qui a servi pour le tournage du film “Le dernier trappeur” de Nicolas Vannier. C’est amusant de reconnaître le lieu et le paysage. Nous entrons à l’intérieur et faisons quelques photos souvenirs avant de redescendre sur le lac.
En retournant sur le lac, Pierre est devant nous. Il commence à partir en tête à queue. La glace est très glissante mais notre motoneige n’accroche pas. Gauthier accélère pour avancer mais gâchette à fond, nous sommes très lents. Quand d’un coup, un banc de neige arrive et la chaîne de la motoneige accroche enfin. Sauf que nous partons en vol plané, le motoneige se renverse et nous sommes éjectés ! Nous sommes étalés de tout notre long et glissons sans pouvoir s’arrêter sur le lac. Nous n’arrivons pas à nous agripper à quoi que ce soit pour nous stopper tant le lac est lisse. Finalement plus de peur que de mal, le motoneige n’a rien et nous non plus si ce n’est un bleu sur les fesses pour Alix et une blessure à l’égo pour Gauthier. Nous remontons aussitôt sur la moto et continuons notre trace.
Nous faisons une pause pique-nique près d’une petite cabane authentique, perdue dans l’immensité du Yukon.
Une soupe était prévue au menu mais le thermos s’est ouvert dans le sac à dos de Pierre, déversant une odorante soupe de champignons. Nous nous contenterons de saucisses à la sauce BBQ et de cookies réchauffés sur le feu. Sur le chemin du retour, nous traversons Coal Lake puis changeons de conducteurs. Les filles prennent les commandes. Certains endroits sont techniques : gros dévers, neige glissante… Nous avons notamment eu la traversée d’une rivière verglacée qui entraînait dangereusement les motoneiges vers le bas. Mais nous avons des pilotes qui gèrent. La conduite d’un motoneige ressemble un peu à celle d’un quad. Au total, nous aurons fait une belle balade de 66km. Le soleil se couche, on rentre au chalet.
Jour 5 : Bonneville
Comme tous les matins, nous procédons au nourrissage des chiens, nous prenons nos petit déjeuner et nous alternons équipe scooping et équipe vaisselle et préparation du pique-nique. Aujourd’hui, nous allons jusqu’à Bonneville en traîneau. C’est un énorme lac gelé. Mais pour l’atteindre, il faut passer un pont de neige au-dessus d’une rivière. D’habitude, tout est gelé et le passage est facile mais cette année, avec les températures douces, la neige a fondu et on voit bien la rivière qui coule de chaque côté du pont qui lui-même est très étroit. Alix a très peur car elle passe en premier et est effrayée de faire tomber le traineau dans l’eau. Elle se lance en criant et arrive à passer le pont… tout en tombant quelques mètres plus loin ! Heureusement, Adriana (la handler) est là pour l’aider à repartir. Les 3 autres attelages passent sans difficulté. Après ces émotions, deux énormes côtes nous attendent, il faut pousser les traîneaux pour aider les p’tits chiens. Le circuit est magnifique, il passe dans une grande plaine où on aperçoit au loin des troupeaux de caribous qui partent en courant en nous voyant.
À l’heure du déjeuner, c’est le traditionnel soupe / saucisse au menu. ça réchauffe et ça fait du bien. Les doigts commencent à geler, Alix a froid. Pour repartir, nous descendons directement de la rive vers le lac. Pierre monte sur le traîneau avec Alix pour lester un peu et éviter que les chiens ne prennent de la vitesse. Sur le lac, le froid se faire encore plus ressentir, les paysages sont un peu brumeux, tout est blanc et silencieux. Le calme est interrompu de temps en temps par des bagarres de chiens.
Nous passons une grande descente et arrive le fameux retour du pont ! Les chiens d’Alix s’engagent mal (habitués à passer par un autre pont) et c’est la chute. En se relevant, Alix percute le chien de tête de notre copine qui du coup tombe aussi. C’est l’embouteillage. Seul Gauthier arrive à passer le pont sans tomber. Nous rentrons au camp de base après une belle boucle de 28 km. Le rythme est toujours le même, nous rentrons les chiens, nous rangeons les harnais et les traîneaux, on nourrit les toutous et seulement après on se repose. Le stock de notre eau est bas au chalet, nous accompagnons Pierre à la rivière pour remplir les bidons qui servent à la cuisine et à la vaisselle.
Jour 6 : Animaux et source d’eau chaude
Nourrissage des chiens, petit-déjeuner, scooping. Aujourd’hui pas de traîneaux. La température est douce, autour de -4°c.
Nous partons pour visiter la Yukon Wildlife Preserve après un petit détour en ville pour récupérer les duvets en location pour la grande expédition. Le parcours du parc fait environ 5km que l’on fait à pied. Dans les enclos, on peut observer des espèces typiques du Canada : des bisons, des biches, des orignaux (gigantesques), des moutons et chèvres des montagnes, des lynx, des renards polaires, des wapitis mais nous n’arriverons pas à apercevoir les caribous. On trouve des bois d’animaux dans le parc, on s’amuse à les soulever pour s’imaginer le poids sur la tête. Nous prenons notre temps dans le parc et sommes un peu en retard sur la suite. Pour le midi, nous nous arrêtons dans une station service pour manger sur le pouce.
L’après-midi fait place à la détente dans les merveilleuses sources d’eau chaude de Takhini. Le complexe s’appelle “Eclipse”. On y compte trois piscines d’eau chaude à des températures différentes : 36°c, 37°c et 40°c. Il y a aussi des salles de hammam, sauna, solarium à disposition (pour un total de 47,5$ / pers.). Nous arrivons à avoir une source d’eau chaude pour nous tous seuls ! Avec la vue sur les paysages enneigés, c’est merveilleux.
Après la douche, c’est le moment de se réhydrater en prenant une petite bière au bar du complexe. De retour au chalet, on est propre mais on est cuit de fatigue !
Dans la nuit, nous devons nous relever de temps en temps pour réalimenter le poêle sinon le feu s’éteint. Nous n’avons pas froid mais si on ne recharge pas, le feu a du mal à repartir et au petit matin, les températures sont froides. Il est alors difficile de couper la viande pour les chiens.
Jour 7 : La Yukon Quest
Après les tâches quotidiennes matinales, et après avoir testé le gruau pour petit déj, nous partons pour assister au départ de la Yukon Quest. L’une des plus grandes courses de chien de traîneau au monde. Nous regardons les équipes nous préparer avant le départ. Il n’y a pas trop de monde mais c’est très intéressant de voir comment se comportent les chiens avant une course de ce genre. Cette année, il y a une vingtaine de participants et le public est là pour les encourager. Au début, on se positionne près de la ligne de départ pour voir le top et l’organisation pour maintenir des chiens surexcités. À peine quelques mètres après la ligne de départ, il n’y a plus de barrières, les équipes passent alors à quelques centimètres de nous avec parfois des mauvaises surprises quand les chiens ne suivent pas les lignes. L’ambiance est très sympa et on ne peut qu’admirer les coureurs qui vont pendant plusieurs jours vivre seuls avec leurs chiens dans le froid et la nuit du Yukon. Respect !
Nous retournons au chalet pour manger une soupe et un sandwich. Cet après-midi, c’est sortie en motoneige. Nous changeons de bécane mais elle s’avère plus difficile à piloter car un peu plus vieille et capricieuse. Nous traversons Fishlake et prenons de la hauteur. Nous montons sur le Mont Mac Tyre. De là-haut, nous avons une vue à 360° sur les montagnes enneigées et l’immensité du Yukon, c’est magnifique. Nous aperçevons Fishlake aussi. Il ne fait pas trop froid malgré les 1580m d’altitude. Sur le chemin du retour, ça se complique pour conduire la motoneige. Elle est capricieuse, elle cale et on finit par se coincer dans un dévers plutôt dangereux. Pierre doit nous aider à sortir la motoneige.
De retour au chalet, nous aidons Adriana au scooping. On câline les p’tits chiens, ils commencent à s’habituer à nous, c’est cool. Certains sont vraiment très mignons. Gauthier a un coup de foudre pour son chien de tête Jako.
Nous préparons les affaires pour nos 3 jours d’expédition : duvets, matelas, nourriture, sac. Il fait nuit mais il faut encore aller chercher de l’eau à la rivière, après le repas du soir.
Jour 8 : Expédition I
Aujourd’hui, nous partons en expé ! Comme d’habitude, on nourrit les chiens, on prend le petit déjeuner et on équipe les attelages. Suite à une blessure de Timber, Pierre est obligé de faire des changements dans les chiens. Alix perd Mc Goo et Diamond au profit de Yuka et Balto. Malgré le chargement des affaires, elle cache une grosse bûche de bois dans son traîneau pour s’alourdir de peur de décoller. Gauthier récupère Mc Goo dans son équipage à 5 chiens aussi.
Le départ est chaotique, les chiens sont surexcités, on met trop de temps à partir. Dans l’attelage de Gauthier c’est le drame, Mc Goo et Kodiak se battent jusqu’au sang, impossible de les séparer. Dans la confusion et parce qu’il faut partir sans tarder, on laisse Mc Goo au chalet pensant qu’il est blessé et pour éviter que la bagarre ne recommence.
Nous traversons Fish lake, au bout de 20km nous nous arrêtons pour monter le camp. Nous déposons des petits tas de paille pour que chaque chien puisse avoir son paillage pour la nuit. Ils restent attachés à une grand longe lestée par les traîneaux au cas où. Nous commençons à monter la tente pour la nuit et le poêle qui va avec ! Nous faisons un feu pour préparer la gamelle des chiens, il faut faire fondre la neige pour leur soupe. Nous allons chercher du petit bois dans les alentours. Nous goûtons le Sortilège (whisky aromatisé au sirop d’érable) autour du feu qui crépite. Il est 21h30, il est temps de manger sous la tente qui commence à chauffer. Nous dormons à 5 dans la tente avec Adriana. Pierre dort dans son trailer de motoneige. Dans la tente, il faut composer avec le poêle, un coup il fait très chaud, un coup il fait très froid. Les filles se relaient pour charger le poêle toute la nuit. L’une ouvre la porte, l’autre enfourne le bois, environ toutes les 2 heures pour ne pas se réveiller dans le froid.
Jour 9 : Expédition II
Nous nous activons comme d’habitude. Il neige. Nous partons vers le lac Mud, soit environ 40km aller-retour. Pour la première fois, il n’y a ni accroc, ni chute ! Les paysages sont magnifiques. Des montagnes enneigées, des plaines et des trails hyper agréables. Nous sommes complètement seuls au monde. Personne aux alentours. La neige s’est arrêtée et a laissé la place à un grand soleil.
Nous faisons un feu pour le pique-nique près d’une cabane au bord du lac. Chacun prend un bâton en bois et plante sa saucisse de wapiti pour la faire cuire au-dessus du feu. Les chiens aboient, ils ont hâte de repartir et le font savoir ! Certains en profitent pour se reposer, d’autres restent aux aguets, prêts à repartir, ils sont impressionnants ! Nous, on savoure notre repas avec la vue sur le lac gelé.
Sur le chemin du retour, il y a beaucoup de montées et les chiens sentent qu’ils rentrent, ils ralentissent le rythme, nous sommes obligés de pousser sur une grande partie du trajet, c’est dur.
Les chiens sont fatigués. Une fois rentrés, ils se mettent en boule sur leur petit tas de paille. Nous n’avons pas pris assez de gamelles pour tous les chiens, nous devons les nourrir à tour de rôle. Heureusement, la plupart sont très rapides à engloutir leur repas.
Nous attaquons notre deuxième nuit sous la tente. Dans la nuit, on entend comme des cris de loup. Un chien s’est échappé et la meute est excitée. Nous réveillons Pierre, plus de peur que de mal, le chien a été retrouvé et attaché. La nuit est très belle, il fait environ – 15°c mais nous ne voyons pas d’aurore boréale.
Jour 10 : Expédition III
Il fait froid ce matin et comme à notre habitude, nous nous occupons des chiens en premier. Après notre petit déj, il faut démonter la tente, le poêle, les lits… Nous préparons les chiens et nous prenons le chemin du retour le cœur lourd. C’est notre dernière sortie en chien de traineau. On savoure chaque moment : atteler les chiens, les féliciter, profiter du silence et du craquement de la neige sous nos traîneaux, entendre les p’tits chiens souffler sur le lac gelé. Justement, la traversée de Fish Lake est rude. Il fait très froid au milieu du lac et le vent se lève, on rencontre des bourrasques qui déportent nos traîneaux. Ce n’est pas évident pour les chiens de rattraper la trajectoire. Les traces du motoneige devant s’effacent, il faut avancer au feeling. Nous croisons d’autres attelages nous obligeant à faire un détour vers le milieu du lac pour éviter toute tentation d’aller flairer les petits copains et mettre un joyeux bazar dans notre organisation rodée. De nouveau, une difficulté arrive sur la route : d’autres chiens arrivent en face. Et là, malgré nos indications, les attelages foncent tout droit pour aller les rencontrer ; mais nous arrivons à les dévier au dernier moment. On commence à gérer !
Nous attaquons la grande descente pour une dernière fois. Adriana, positionnée devant nous, tombe. ça met la pression ! Nous nous mettons sur les freins avec les 2 pieds et…ça passe ! De retour au ranch, on s’occupe des p’tits chiens et nous déjeunons. Après ces 3 jours d’expédition, nous partons en ville pour prendre une douche méritée. Les filles partent au gymnase du collège de Whitehorse qui est ouvert à tous pour prendre une bonne douche chaude avec de la pression et gratuite. ça fait un bien fou ! On rigole, on chante, on prend soin de nous. Les garçons de leur côté ont pris leur douche au Airport Chalet. Nous terminons cette belle journée autour d’une bière et d’un bon burger pour reprendre des forces.
Jour 11 : Haines
C’est le dernier nourrissage des chiens pour les garçons. Les filles rangent et nettoient le matériel de l’expédition. Vers 11h30, nous partons avec une grosse voiture de location 6 places vers Haines pour y voir un glacier. Le temps est nuageux, il fait -11°c. Nous faisons une pause pique-nique près d’une rivière. Pour nous abriter du froid, nous nous glissons dans les ruines d’un chalet effondré. Il doit avoir plusieurs siècles. Nous avions acheté de quoi grignoter sur la route. Un peu plus loin, nous profitons de faire le plein d’essence pour prendre un café bien chaud dans la station service.
Nous roulons vers le lac Kathleen. Il est gelé mais la glace n’est pas assez épaisse pour qu’on s’aventure à le traverser à pied. Nous nous contentons de faire le tour avec près d’1m de neige au sol. Nous prenons la pose allongés sur le lac. Il fait trop nuageux, nous n’aurons pas la chance de voir le glacier. Grâce à des panneaux, nous apprenons l’histoire des saumons Kokanee : des saumons d’eau douce que l’on peut d’ailleurs trouver dans le lac.
Nous rejoignons l’auberge Parkside, sorte de motel avec des petites kitchenettes hyper bien équipées ! Nous en profitons pour nous détendre, prendre un thé chaud et nous connecter au wifi pour donner des nouvelles à nos proches. À 18h, nous traversons la route pour aller manger au 1016. Nous commandons la fameuse poutine pour l’apéro. Nous rigolons beaucoup et prenons le temps de discuter avec le serveur qui est français. C’est intéressant d’avoir le regard d’un expatrié pour nous montrer que tout n’est pas facile comme on pourrait le penser.
Jour 12 : Destruction Bay
Nous prenons le petit déjeuner dans la chambre du motel. On ne voit toujours pas le glacier. Nous prenons la route vers Destruction Bay, près de Haines Junction. Son nom vient d’un vent violent qui a détruit les aménagements lors de la construction de cette route qui mène à l’Alaska entre 1942 et 1943.
Nous nous prenons pour les camionneurs de l’extrême sur cette longue route rectiligne sans aucune habitation à des kilomètres à la ronde. Il fait – 30°c. Lorsque nous sortons de la voiture, nos cheveux commencent à geler, nos narines se glacent à chaque respiration. Le froid est saisissant mais supportable. Même l’intérieur de la voiture commence à geler, nous sommes obligés de dégivrer les vitres à l’intérieur alors que le chauffage est allumé.
Nous arrivons sur le lac Kluane dans le parc national du même nom. Sans surprise, il est gelé. C’est le plus grand lac du Yukon. Nous profitons de cet arrêt pour essayer de trouver les mouflons de dall, ce sont des moutons sauvages qui vivent dans les chaînes montagneuses. Ils sont très rares à observer à l’état naturel. Nous les voyons de loin et grâce aux jumelles (pas facile de voir du blanc sur du blanc). Ils sont là, tranquillement, en haut de la montagne. Nous les regardons se déplacer. Par chance, nous avons pu en voir de près dans la Yukon Wildlife Reserve.
Nous reprenons la route vers Haines, les paysages enneigés sur notre itinéraire sont magnifiques. Nous croisons un troupeau de wapitis sur le bord de la route. Le glacier est toujours dans la brume, nous traçons la route jusqu’à Whitehorse. Ce midi, on teste du local chez Tim Horton, une chaîne de fastfood que nous n’avons pas chez nous. Nous nous promenons dans Whitehorse toute l’après-midi à la recherche de souvenirs pour nous et du cadeau parfait pour remercier Adriana et Pierre de leur accueil.
De retour au chalet, c’est le moment des tristes au revoir avec les chiens et nos hôtes qui ont été tellement accueillants. Nous essayons de profiter de la soirée tous ensemble mais les cœurs sont lourds. Nous nous lèverons à l’aube le lendemain matin pour un très long trajet de retour vers la France…